Page:Rachilde - L’Hôtel du grand veneur, 1922.djvu/49

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herbe… ou plutôt en boutons ? Vous me jetez dans une comédie singulière, assez délicieuse, mais qui pourrait facilement devenir un draine. Soyez franche ? Que me demandez-vous ?

— Je ne saurais pas jouer la comédie, monsieur, ni pour vous, ni pour personne. Mon mariage m’a rendue si triste que je pensais tout à l’heure à me noyer, là, dans ces bassins où les gros navires m’auraient broyée avant même que cette eau sale, de goût affreux, m’ait rempli la bouche. Et je crois que cela aurait mieux valu pour tout le monde. Si on savait ce que c’est ? Sauvez-moi de ça, monsieur, ou, alors, allez-vous-en ! L’amour, j’aurais compris. Le mariage, je ne comprends pas… J’ai peur… Je ne vous demande rien — que de me sauver du mariage.

Il la regarda, stupéfait. Était-ce une folle ? Comment un homme, même très froid, un homme très raisonnable, avait-il pu laisser ce trésor d’ingénuités, ou de perversités, sur une banquette de taverne comme on y aurait oublié sa fortune… car elle valait une fortune, toute la fortune d’un amateur d’objets d’art.

― Voulez-vous fuir avec moi ? Je vous pro-