Page:Rachilde - L’Hôtel du grand veneur, 1922.djvu/61

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

veux vous saouler comme une grive. Il est épatant, l’Hôtel du Grand Veneur, et il m’a l’air bien tenu… Seulement, gare à l’estampage. Enfin, on ne se marie pas tous les jours.

Linette, le dos à contre-vent, retroussa son capuchon et devint silencieuse. Une étrange émotion la crispait, les mains étreignant sa poitrine. Il fallait connaître le secret de l’amour avant de refuser le mariage, mais elle tremblait tellement de honte et d’angoisse qu’elle cherchait, à présent, les yeux de son mari pour essayer de se rassurer. Était-il toujours un homme raisonnable ?

Les lampes continuaient à éclater dans les verdures comme d’énormes diamants. C’était une étrange féerie dans ce silence absolu des bois que le ralenti du moteur troublait à peine. Ils se virent arrêter par une grille monumentale qui s’ouvrit brusquement, et deux domestiques en livrée leur désignèrent d’un geste compassé, sans un mot inutile, cet hôtel du Grand Veneur, là-bas, dans le fond du parc aux frondaisons d’émeraude.

C’était une maison très vaste, d’un beau style Louis XIV sévère, à fenêtres énormes où l’on entrevoyait la dorure luisant sur les filets