Page:Rachilde - L’Hôtel du grand veneur, 1922.djvu/92

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s’éveiller en présence de l’éblouissement de l’amour, du réel coup de foudre… Il doit y avoir là des secondes qui sont l’équivalent des plus brisantes voluptés. Or, la femme n’est jamais absolument satisfaite, il lui faut l’idée d’éternité pour consentir certains dons d’elle-même. Cette petite fille voit clair. Elle a peut-être besoin de chasteté pour y voir comme ça ! Monter aussi haut qu’elle ? Très difficile. Ah ! son indignation pour le geste du cygne ! Et cette pudeur qui ne se dément pas, cette retenue malgré le plaisir déjà deviné ! Comme elle a l’éducation du sens noble des sens… et où va-t-on la précipiter ? De quelle hauteur, dans quel abîme ? Allons… à la grâce de Satan !

Avec des précautions de nourrice, l’officier de marine qui avait sombré sur un vaisseau de guerre en même temps qu’il coulait son ennemi, ramena la barque enchantée, le berceau de l’amour sommeillant, au rivage. Abordant sur les marches de l’escalier, il se retrouva dans l’ombre, car la lune avait tourné derrière le toit du château. Il saisit la jeune fille très habilement, comme on emporte un enfant dont on craint les résistances. Il traversa la pelouse, remonta le perron, passa le