Page:Rachilde - L’Homme roux, suivi de La Fille de neige, 1888.djvu/101

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— Mistress, je veux rester libre !

Je crus devenir folle en présence de la colère de mon père. Il fallait bien lui dire une partie de ce qui en était. Il voulut maudire Madge. Je luttai deux jours contre cet orage. Puis, le troisième, il me déclara, sans transition, que désormais, il se renfermerait dans une réserve absolue vis-à-vis de sa fille ; qu’elle pouvait l’épouser pourvu qu’elle allât vivre au loin… Il reprit son flegme ordinaire, après cette déclaration.

Voilà donc comment on l’aimait, cette Madge. Et moi, qui considérais mon affection pour elle comme le plus sacré des devoirs ! Je n’eus pas le temps de jouir d’un peu de repos après ces luttes énervantes. Il fallut recommencer avec une bien plus terrible ennemie : la mort ! Mon malheureux Edgard, après avoir béni, sans comprendre, les fiançailles de James et de ma sœur, expira au bout d’une lente et douloureuse agonie…

Désormais, j’étais seule, sans aucun appui, à vingt-deux ans, vis-à-vis d’un avenir menaçant qui se préparait pour Madge et peut-être pour moi.