Page:Rachilde - L’heure sexuelle, 1900.djvu/23

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Je veux me dégager, passer.

La fille me toise.

Du fard qui voile sa figure, comme du fond d’un abîme de chaux vive d’où monterait le cri d’un brûlé, hurlent ses yeux. Ses yeux, tout à coup magiques.

… Orient ! Orient ! Reine aux petits pieds nus. Toi, la toute-puissante et la toujours prostituée ! Cléopâtre adorable, dont, une fois morte, on a doré le sexe pour n’en plus faire qu’un emblème de lucre et d’horreur… Princesse exquise, souple fillette, couleuvre qui enlaça et fit choir le soudard Marc-Antoine… criminelle ingénue, épouse de son frère ou de son fils, on ne sait plus bien… mais si virile que toutes les galères ont fui au large de l’océan de tes prunelles… gerbe de roses brunes et blanches aux pétales de fer… je te salue.

— Chameau ! crie la fille me saisissant le bras.

Il est trop tard. Je ne peux plus m’éloigner.

La vie vient de se jeter à la gorge du rêve.

J’ai plongé dans les yeux de cette fille et je n’en remonte pas. L’Orient est là, dans