Page:Rachilde - La Découverte de l’Amérique, 1919.djvu/117

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on entendait gronder des orages lointains. L’automne s’annonçait magnifique et rien, cependant, ne s’accomplissait normalement. On manquait de plus en plus de bras pour l’agriculture, sans doute, car je ne voyais plus passer de gauleurs dont la gesticulation m’amusait si fort dans ma rue tranquille, voisine des champs.

Quand je voulus boire du cidre doux selon ma coutume, Julie m’expliqua qu’on ne pouvait plus cueillir les pommes et que les branches cassaient sous le poids des fruits. Comme un matin elle causait, de sa fenêtre, avec une marchande de beurre, j’entendis distinctement que celle-ci disait : « …des milliers de morts ! » Julie ferma furieusement sa fenêtre, craignant certainement le mauvais air. Questionnée elle répondit des choses troubles en clignant des yeux. Lorsque je voulus sortir pour aller à l’église prendre langue, elle me retint, joignant les mains de la plus touchante façon. Je devins sa prisonnière.