Page:Rachilde - La Découverte de l’Amérique, 1919.djvu/57

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camp, mangeaient leur double part de gamelle, puis s’esquivaient brusquement au tournant d’un chemin… ou dans la mort. Les cerveaux et les ventres, déjà si creux, dont le vide attire tous les phantasmes de la peur, avaient-ils bien besoin de ces apparitions d’oiseaux voraces s’abattant sur leurs champs de batailles pour y dérober les lambeaux de leur gloire ? Mais c’était un honneur de les recevoir ; les nations riches, toujours encombrées de ces personnages douteux, les expédiaient au pauvre peuple, et le pauvre peuple devait les accueillir à bras ouverts, pleurant de joie dans le généreux délire de sa fin.

Le cercle des soldats se rompit pour leur offrir une place au feu de la cuisine.

— Comment vous appelez-vous ? demanda le chef du bivouac.

L’homme, la main souple, ôta son chapeau, et on vit aux lueurs du brasier qu’il était jeune, malgré ses cheveux rares, plats, un peu pommadés, sa bouche drôlement