Page:Rachilde - La Découverte de l’Amérique, 1919.djvu/84

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— Pour l’amour de Dieu, parlez donc plus fort… ou je vous fais pendre !

— Eh ! ricana l’Algérien, je ne suis pas sourd, je ne dors pas. Et quand nous dormirions tous les deux ? Mon cheval ne dort pas encore, lui ! Vous le verrez à l’œuvre. C’est une bonne petite bête malgré sa manie. Sans l’accident, il n’aurait pas bronché, mais la planche du pont d’amour, un beau pont, fanfreluchée de papier vert, était pourrie. Tous les ponts d’amour sont pourris ! C’est parce que je le savais, moi, qu’ils sont tombés l’un portant l’autre. La gueuse a été tuée nette, la bonne bête n’a eu qu’une lésion du frontail et un déboîtage de sabot. Aussitôt remis sur ses quatre pattes, le pauvre animal m’a regardé d’un air de reproche, comme un qui aurait deviné. C’était justice pourtant… Puis, j’ai quitté la baraque, tirant mon Zéphi boiteux par le licou. On n’en voulait plus. Il avait tout oublié. Le pas espagnol, la valse, le changement de pied, y compris le saut du