Page:Rachilde - La Jongleuse, 1900.djvu/111

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circulaire entièrement revêtu de ce miraculeux duvet, un Éros noir, une antique statue de marbre, verdie aux contours, sans doute restée fort longtemps exposée aux morsures du vent et aux larmes de la pluie. Cet Éros avait dû, jadis, tenir un arc de métal, mais son bras droit, replié à la hauteur des yeux, n’exhibait plus qu’un moignon ; la main était partie avec la corde tendue, et le bras gauche manquait totalement. L’enfant, à la fois lamentable et farouche, faisait resplendir des prunelles d’émeraudes serties en deux camées blancs et il ouvrait, grands, au milieu de sa face nègre régulièrement féroce, des yeux d’une réelle existence divine.

Léon Reille recula en présence du gamin nu qui semblait le menacer de son affreux moignon.

— Oh ! fit-il, c’est horrible ! Je préfère la potiche. Au moins elle est aveugle. Celui-là doit vous voir telle que vous êtes.

Éliante se mit à lire.

— Il me voit certainement, mais ne peut guère me toucher.

Léon serra contre lui le bras de sa compagne.

— Pourquoi m’amener ici ? Toutes ces belles choses me sont hostiles. Nous sortons d’un petit jardin couleur d’espérance pour entrer dans une caverne où j’étouffe.