Page:Rachilde - La Jongleuse, 1900.djvu/15

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éveillaient l’idée d’une prochaine catastrophe.

Un orchestre préluda. On perçut, à travers des murs et des rideaux lourds, le premier motif d’une valse terrible comme l’éruption d’un volcan. Une porte battit ; il y eut des éclats de voix cérémonieuses, un bruit de chaises remuées, des chocs de verres, de nouveau un solennel silence.

Le quelqu’un guetté par la dame en noir la suivait.

Elle se mit à descendre l’escalier sans se soucier de retrousser sa robe, comme s’il n’y avait personne, les bras inertes, ses longs gants les pressant du poignet jusqu’au coude, les annelant de plis vipérins. On remarquait, de loin, les amandes jolies de ses ongles, le petit cerne de la peau soulignant les creux de la chair, les brisures des phalanges, et ces mains de deuil avaient l’aspect inquiétant de mains naturelles.

Au second palier, à l’endroit où une seconde servante de marbre haussait sa gerbe de lumières en souriant d’un sourire de sucre blanc, la dame noire poussa un cri, un léger cri de nerveuse, qu’on impatiente, mais sans se retourner : sa robe venait de se tendre subitement de la traîne au col, toute l’étoffe se roidissant en barre de fer et le costume correct, la gaine chaste, se