Page:Rachilde - La Jongleuse, 1900.djvu/173

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Éliante allait de table en table, s’informait des besoins ou des caprices, disait un mot gracieux, distribuait des bonbons ou des gâteaux. Portant une énorme corbeille de vannerie dorée, elle semblait s’offrir elle-même, étincelante de bijoux et enveloppée de gaze légère, comme un beau fruit rare l’est de papier de soie. Elle jonglait encore ! Elle jonglait toujours !

Léon voyait trouble.

Missie se pencha.

— Vous la trouvez très belle, hein, ma tante Donalger ?

— Oui… c’est-à-dire… je la trouve un peu effrayante.

— Parce qu’elle jongle avec des couteaux ?

— Non, fit Léon s’emportant malgré lui. parce qu’elle jongle avec les hommes…

Il s’arrêta, confus, les yeux subitement baissés. Il parlait en présence d’une jeune fille.

Missie eut une moue.

— Je comprends… vous en êtes amoureux, vous aussi !

La réponse fut tellement brutale qu’il oublia tout à fait son rôle de bon jeune homme naïf.

— Il y en a donc beaucoup qui lui font la cour, Mademoiselle ?

— Beaucoup, cela dépend ! Elle les laisse venir pour moi, d’abord. Il s’agit de me marier.