Page:Rachilde - La Jongleuse, 1900.djvu/212

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nous ne soyons qu’en mars. Tout semble conclu par l’odeur des fleurs nouvelles ! Et puis vous ne veniez toujours pas. J’ai quelqu’un qui pleure chez moi, cela me pousse vers vous, malgré l’inconvenance de ma démarche. Il faut en finir !

Léon, debout devant sa cheminée, masquant un très maigre feu, un feu de veuve, se demandait si elle allait continuer, ou s’il fallait lui couper la parole en éclatant de rire. Mais il était vraiment d’une mauvaise humeur intense, mal habillé, mal peigné, les mains humides, il ne lui restait plus que sa belle jeunesse pour toute excuse, et encore n’était-ce pas une injure, devant cette femme si grave, si maternelle ?

— Quelqu’un qui pleure chez vous, Madame… je ne saisis plus…

Éliante, les mains soigneusement gantées, caressait son petit manchon d’astrakan, un manchon qui avait l’air d’un petit animal frileux, roulé en boule.

— Cela vous étonne, cher Monsieur ?

— Oui, distinguons : je n’ai fait aucune peine, on m’en a fait. Je me suis abstenu… parce que… le travail… mes examens…

Il fit un geste vague désignant des livres.

La fameuse fièvre tombait. Il ne s’adressait plus à Éliante. Il parlait à une personne étrangère chargée de lui rapporter ses paroles.