Page:Rachilde - La Jongleuse, 1900.djvu/253

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Un endroit où rien ne pût te rappeler et me rappeler la réalité d’une existence possible, je me figure que je suis plus vraie de toute la fausseté de ce théâtre ; maintenant je suis réduite à ma plus simple expression de créature inutile. Je suis le velours d’une loge où tu es assis pour écouter une voix lointaine, je ne ressemble plus du tout à une femme. (Elle ajouta, prenant la main qui tenait l’épingle.) Ah ! mon opale est tombée… cela porte malheur, les opales qui s’en vont de nous !

— Oui, Éliante cruelle, Éliante si douce, tu es du velours, balbutiait le jeune homme, l’enveloppant tout entière de sa caresse et la pressant contre sa poitrine à l’étouffer. Oui, tes yeux sont du velours, ton corps souple est un velours qui brûle et fait flamber ceux qui l’approchent, mais, nous ne pouvons pas rester ici, avec ce monde s’écrasant sur nos têtes, ces gens nous enserrant de toute part, comme la malédiction perpétuelle de la société ? Cela ne durera pas, ce délicieux martyre ? je t’emporterai, et c’est un peu plus que mon désir, c’est mon devoir ! je t’arracherai de toi-même ! Entends-tu bien ! Il faut que nous en finissions.

Elle souriait peu à peu, enivrée, heureuse, et elle dit d’un ton d’enfant :