Page:Rachilde - La Jongleuse, 1900.djvu/32

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— Pistache ou framboise, cher Monsieur ? Je vous autorise à les mêler comme je me prépare à le faire moi-même, puis voici de la vanille en poudre, du gingembre, du poivre indien et des piments râpés. Que préférez-vous ? C’est un système chinois.

Elle jouait avec de petits ustensiles de vermeil, des salières microscopiques ornées de cabochons précieux, qui rutilaient sous ses doigts pâles et, elle puisait là-dedans des poudres obscures comme des cendres.

— J’accepte tout, bien entendu. Seulement il est abominable votre système chinois. De la vanille, du gingembre, du poivre indien ! Il y a de quoi faire flamber un sérail… y compris les eunuques ! Et vous prétendez que vous n’êtes qu’une femme ? Fichtre !

— Tenez, un peu de cette liqueur brune… trois gouttes. C’est de l’essence de thé, qui unifie tous les autres goûts, y fond une larme d’amertume. Aimez-vous cela ?

Léon Reille eut une grimace de bonne volonté.

— Faut s’y habituer… j’aimerais mieux… (Il regardait fixement le croissant turc, son verre, qu’elle approchait de sa bouche)… les trois gouttes de ce qui reste dans votre verre. Il est si drôle, ce récipient. Il ne doit pas être facile d’y boire.