Page:Rachilde - La Jongleuse, 1900.djvu/45

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sa robe de soie, — et elle eut un petit râle de joie imperceptible, le souffle même du spasme.

Ou c’était la suprême, la splendide manifestation de l’amour, le dieu vraiment descendu dans le temple, ou le spectateur avait devant lui la plus extraordinaire des comédiennes, une artiste dépassant la limite du possible en art.

Il fut ébloui, ravi, indigné.

— C’est scandaleux ! Là… devant moi… sans moi ? Non ! c’est abominable !

Il se jeta sur elle, ivre d’une colère folle.

— Comédienne ! Abominable comédienne !

Elle s’éveilla doucement, très calme, souriante, les lèvres seulement un peu pâlies sous leur carmin artificiel.

— Laissez-moi donc… Je suis très heureuse, vous n’y ajouteriez rien de meilleur. Pourquoi me faites-vous ces yeux de bête féroce ? Croyez bien que ce n’est pas par vertu que je vous défends de loucher à ma robe… c’est parce que… c’est fini… je vous ai donné ce que je peux montrer d’amour à un homme.

Léon Reille était positivement en train d’oublier qu’il portait un habit, mais elle se dégagea, éclata d’un rire bien franc.

— Ah ! que c’est sot un homme qui ne sait pas regarder aimer. Vous aviez bien besoin d’une leçon. Maintenant, sauvez-vous vite…