Page:Rachilde - La Jongleuse, 1900.djvu/79

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— Oh ! c’est une bonne fille, point chimérique, seulement elle me pèse souvent sur les bras, la chère petite ! Elle est bruyante, désordonnée, bien trop genre moderne pour mon faible caractère de paresseuse, et je crains de ne pas la voir se marier avant…

— Avant vous ? interrompit Léon très troublé.

— Moi, je ne veux point me remarier, mon cher enfant, j’ai passé l’âge… il faut que je demeure libre. Je tiens à courir aux heures que je choisis, sortir seule, fuir souvent l’endroit que j’habite, parce que je suis un peu sauvage, il faut que j’aille à l’aventure selon mon caprice d’ancienne bête élevée à quatre pattes. Les créoles, Monsieur, ne sont pas mises dans des langes et serrées au maillot, on les laisse nues errant par terre, les premiers jours de leur enfance. Une coutume du pays. Aujourd’hui, je m’enferme dans des robes extrêmement montantes pour avoir le droit d’une revanche. Comme on sent que je ne suis pas coquette, je peux aller très loin…

— En effet, chère Madame, jusqu’à permettre des suppositions…

— Non… ne supposez rien, je ne veux plus d’un mari, parce que c’est trop lourd, et je ne veux pas d’un amant parce que… ce serait trop sale. J’ai charge d’âme ici.