Page:Rachilde - La Jongleuse, 1900.djvu/95

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V

Léon Reille, en poussant la petite grille du jardin, se sentit défaillir.

C’était un beau jour d’hiver, un jour de Noël. On entendait partout sonner des cloches dans l’immense ville, des cloches folles qui battaient les airs de leurs coups d’ailes sonores comme de robustes oiseaux se précipitant du haut du ciel à une curée de blé répandu. Et c’était toute la terre, ce pauvre petit jardin plein d’une ombre mystérieuse, cette pauvre terre glacée, fleurissant du givre après avoir fleuri des corbeilles de beauté rare. Mais le soleil brillait sur le givre, les cloches bourdonnaient en une atmosphère d’espoir, elles battaient joyeusement le cerveau de l’homme et en faisaient fuir sa raison, l’éparpillaient aux quatre vents. Noël ! Noël !… Alors qu’on n’espère plus, on espère toujours.

Léon avait acheté, pour ce jour de fête, un