Page:Rachilde - La Tour d’amour, 1916.djvu/101

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n’était pas souvent qu’il daignait m’adresser la parole :

— Patron, le vent s’attache là-haut pour de bon. Je crains de la complication pour cette nuit. Alors…

— Faudra veiller ensemble ! qu’il bougonna sans plus se déranger, et il reprit sa lecture, ânonnant péniblement sur les voyelles :

— A… a… a… i… u… aou… aou !

Ceux qui vivent bien au chaud, dans leur cambuse de la terre ferme, ne se doutent pas de ce que c’est qu’une soirée passée en mer, sur un navire qui ne bouge pas, dans lequel on n’a donc pas l’espoir d’aborder quelque part et où on ne cesse jamais d’entendre le vent.

Cette nuit-là, il faisait un tel sabbat, le vent, qu’on avait envie de mourir. Cris de chouettes, cris de femmes, cris de sorcières, cris du diable, tout s’en mêlait. À chaque instant ça changeait de note, et ce qui pleurait au loin, venait, la minute après, rire et cracher sur notre porte. La porte, elle, tenait bon, mais, dessous, giclait