Page:Rachilde - La Tour d’amour, 1916.djvu/107

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— Voyons, père Barnabas, je ne moucharde personne ici, vous avez le délire du vent.

Le délire du vent est un mal bien connu des gardiens de phare, surtout quand ils débutent. On finit par s’entendre appeler du haut en bas de l’escalier, le long des échelles, partout où peut siffler quelqu’un.

— Oui, fit-il, mélancolique et de son ton de vieille femme geignarde, j’ai le délire. Pourtant j’ai pas mon pareil dans le métier ; je sors jamais, je bois pas, je cause pas et je ne dors presque plus ; j’ai pas mon pareil sur toute la ligne de feu des côtes, ça tu pourras leur dire à nos officiers.

— Je crois qu’ils s’en doutent, monsieur Barnabas. Ils m’ont fait votre éloge, y a six mois, quand je suis venu chez vous. Non, vous n’avez pas votre pareil, et c’est point votre faute si le gars est tombé… ça peut m’arriver demain. Nous sommes tous à la merci de celui qui souffle.

Il sembla réfléchir, puis il ricana, tout en caressant les cheveux blonds qui ornaient les oreilles de sa casquette huileuse.