Page:Rachilde - La Tour d’amour, 1916.djvu/125

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de la conserve toujours ! Tiens v’là justement une bouteille.

J’étais glacé. Je ne parvenais pas à rire. Je jetai mon harpon sur les dalles :

— Patron, que je lui dis solennellement, il vous manque une âme. Prenez garde ! C’est pas deux chrétiens perdus sur mer, comme nous le sommes ici, qui doivent rigoler d’un malheur pareil. Qu’on n’ait pas de religion, j’admets ça, mais qu’on s’amuse de voir couler des torrents de morts, ça me démonte. Je suis capable de vous fausser compagnie, vous savez ?

— Ben quoi ! Fous le camp ! J’ai pas été te chercher. Qu’est-ce que tu mouchardes encore chez moi ? Est-ce que tu crois que je sais pas d’où tu sors ?… (il éleva le ton, furieux tout à coup). On t’a dit de me surveiller, hein ? Mais je suis pas tellement nigaud. T’as fauté aussi, toi. T’as laissé éteindre les lampes, là-haut, un soir que t’étais sûrement de garde… et tous ces cochons de morts-là, tu pourrais ben les avoir