Page:Rachilde - La Tour d’amour, 1916.djvu/170

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L’Amour ? J’ignorais son existence avant d’avoir souffert de l’attendre. Elle était trop jeune, oui, mais elle m’attendrait forcément, de son côté, et elle m’aimerait mieux de me connaître davantage. Encore quinze jours de peines, je la reverrais, elle me conterait ses impatiences, ses petites histoires de gamine, ses grandes envies d’amoureuse. Il n’y avait plus, ma foi, à s’en dédire, ni elle ni moi ; on s’était fiancé, là-bas, sur la route du Minou, à Brest, tout proche d’un fossé noir, tellement noir qu’elle faisait semblant d’en avoir peur, la mignonne garcette !

L’Amour ? Peu à peu cette maigre petite fille grandissait au-dessus de la mer. Elle se dressait devant le phare, elle venait à moi, soulevant le tulle blanc de l’écume pour s’en faire des fichus neufs. Je lui donnerais des croix d’or… et du métal scintillait le long des vagues, se moirant au soleil d’été.

Elle était belle, bien plus belle que les femmes des naufrages qui sont nues, les cheveux étalés en arrière de leur corps.