Page:Rachilde - La Tour d’amour, 1916.djvu/260

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Les vagues ondulaient, grosses, opulentes, dans un tel luxe de soieries et de bijoux qu’elles offensaient notre misère. Ah ! les gueuses, les gueuses ! Tous leurs petits ronrons de chatte, leurs cris de lionnes enragées, leurs danses de comédiennes et, pour finir, les torrents de sang et de larmes ruisselant autour d’elles sans paraître les salir. Belles de toutes les libertés que les hommes prisonniers de leurs volontés sont obligés d’admirer de loin !

On veille sur elles et elles avalent les grands navires ; on leur confie sa destinée, et elles vous noient entre leurs seins mouvants.

Cela jouait, se poursuivait, hurlait des mots obscènes, ou chantait des cantiques, mais cela, par-dessus tout, vivait de la mort des autres.

Une odeur de marée entrait chez nous avec le vent pur, une odeur impure, âcre, gerçant les lèvres qui en goûtaient la saveur excitante, fendant la peau de rides précoces, emplissant les regards du sel dont on fabrique les larmes de désespoir.