Page:Rachilde - La Tour d’amour, 1916.djvu/30

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maintenant, à quinze mètres au-dessus des vagues. Je vois une figure de vieille femme qui s’avance vers moi, une horrible figure de vieille femme aux paupières rouges. Qu’est-ce que c’est que cette vieille-là ? Je n’ai connu ni ma grand’mère ni ma mère. Suis-je mort déjà, pour que des revenants m’apparaissent. Je reglisse. Je touche l’eau, j’ai froid jusqu’à la poitrine. Je surnage piteusement suspendu, à la trempette, comme un petit garçon. Je suis ahuri, abruti, désespéré ; je vendrais mon âme au diable pour ne plus me voir dans cette eau qui me fouette cruellement le derrière. Le tapage des flots déchaînés autour du monstre augmente. Il me semble que je meurs avec beaucoup de peuple, comme on crèvera au dernier jour du monde où tous les anciens morts feront éclater leur cercueil. Je renverse la tête pour apercevoir encore le ciel, mais il n’y a plus de ciel, il y a le monstre, le phare qui grandit, grossit et se dresse presque sur mon ventre. Je crois que je le porte et qu’il m’écrase, ce phare formidable tout