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Page:Rachilde - Le Démon de l’absurde, 1894.djvu/130

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alors toute ma chair se hérisse tant ça me fait mal de les accrocher dans cette étoffe trop douce. C’est comme le long des vitres, pour toi ! Je ne peux pas m’en empêcher !… Il y a la peine des groseilles pas mûres que je mange en cachette, ça pique la langue et c’est très mauvais… La peine de désirer avoir une chemise en tulle de voilette, brodée de gros pois dont deux s’arrêteraient sur chacun de mes seins… La peine de respirer des jacinthes ! Oh ! celle-là, mon chéri, tu ne saurais croire combien elle me fait plaisir ! Je vais m’étendre par terre tout contre une grosse jacinthe rose qui a poussé au bas du jardin, près d’une charmille. On est dans l’ombre comme ici. Je jette ma robe par-dessus ma tête et j’entoure la fleur de mes bras pour que le parfum me monte tout entier dans le nez, et je respire… je respire… Il me semble que je mange du miel pendant que des abeilles en s’envolant me frôlent les paupières de leurs ailes de sucre ! (Elle se pâme.) Tu ne peux rien