Page:Rachilde - Le Démon de l’absurde, 1894.djvu/158

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

cience. Enfin, saisi de je ne sais quel vertige furieux, je hurlai : « Allons-y ! » Et je m’élançai en droite ligne. Je crois même que je galopais, les paupières closes, sans chercher davantage mon chemin, persuadé que si j’ouvrais les yeux je verrais sûrement la pendue au détour d’un massif. Ah ! il ne s’agissait plus d’une bête voleuse, je sentais bien que j’étais en puissance d’un personnage mystérieux, d’un inconnu qui m’attirait, m’attirait, me humait, me dévorait du fond de ce jardin-cimetière ! Et mon cœur battait à crever. Machinalement, je murmurais : « Je me baisserai, je saisirai la pioche, la pelle, une de chaque main, je serai bien armé s’il arrivait quelque chose… Oui ! La pioche est à côté d’un pied de cassis, et la pelle est restée sur une motte de gazon. Pourvu, mon Dieu, que ces outils ne soient pas déjà partis chez elle ! Voyons, tâchons de ne pas nous tromper… Une… deux… trois… je vais ouvrir les yeux, tant pis, je dois être à l’endroit juste ! »