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Page:Rachilde - Le Démon de l’absurde, 1894.djvu/89

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essayèrent de puiser en sa chair vierge, sans lui faire de mal.

Après avoir chanté un hymne d’allégresse, les vendangeurs commencèrent à emplir les corbeilles. Les aînés, d’un mouvement lent, toujours le même, cueillaient les raisins lourds ; les plus jeunes se précipitaient, voraces, avec des cris. Un moment, le vieillard, assis au rebord de l’auge de granit, se levait, étendait son bâton, et tous arrivaient en foule pour vider les corbeilles pleines ; puis le vieillard se rasseyait, hochant le front, et la troupe repartait, emportant les corbeilles vides. Les uns s’éclaboussaient malgré eux les jambes de jus vermeil, les autres volontairement se barbouillaient la poitrine. Sinéus piétinait rageusement la vendange, y mêlant des poignées de roses sauvages. Vers midi, tous étant fatigués, ils s’endormirent côte à côte, aux genoux du père, et le vieux patriarche, demeuré sur le bord de la cuve, en sa pose immobile de statue, paraissait, devant