Page:Rachilde - Le Démon de l’absurde, 1894.djvu/94

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ses cheveux avec les pampres qui la tenaient prisonnière ; puis elle se fit petite, toute petite, rampa, humblement serpentine, se glissa dans la cuve où fermentait le moût, et, ramenant sur elle des monceaux de grappes écrasées, elle demeura inerte, augmentant le sang du raisin de tout le vin exquis de ses veines. Comme elle agonisait encore, ils descendirent dans l’auge et la foulèrent aux pieds, tandis que jaillissaient, des prodigieuses graines noires à reflets d’yeux roulants, un regard de suprême malédiction.

Au soir, ayant terminé saintement leur tâche, les vendangeurs se partagèrent les gâteaux de froment, remplirent leur coupe. Dédaigneux de retirer le cadavre, tous ivres déjà, plus grisés par la tuerie que par la vendange, ils burent, en blasphémant la femme, l’horrible liqueur empoisonnée d’amour ; et cette nuit même, pendant que retentissaient au loin des hurlements de bêtes inconnues, que l’atmosphère se saturait d’une odeur de