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Page:Rachilde - Le Dessous, 1904.djvu/112

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affaires de cœur n’avanceraient guère sans un coup d’état, un de ces crimes que la raison commande… Quant au brin d’amour ? Un nouveau revirement se fit en elle.

L’anarchiste réapparut sur une autre mise en scène de son imagination, qui fermentait intérieurement comme les dessous du pays merveilleux qu’elle habitait. Elle se représenta le sombre garçon, un garçon aussi comme le ministre, posant une bombe derrière le fauteuil officiel, faisant sauter la table somptueusement servie, le ministre, son père et l’enlevant, elle, trésor intact, pour la garder comme otage au fond d’un bouge parisien. Elle contemplait dans sa glace toute cette tuerie d’un œil calme. Le ministre, qu’elle avait dû épouser afin de régner dans le grand monde socialiste, avoir un salon d’où sortiraient les destinées de la France, gisait, son gros ventre ouvert, rendant les intestins, à la fois horrible et grotesque, son père s’étendait les bras en croix, le front troué ; toutes les bonnes, les enfants de la crèche, les ouvriers de la ferme se dispersaient en hurlant des imprécations. Seul, cet homme noir, satanique et féroce, se mettait à rire en lui liant les mains pour l’empêcher de se défendre…