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Page:Rachilde - Le Dessous, 1904.djvu/19

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nouveau paysage allait s’édifier. Tout à l’heure, au soleil cru, c’était la joyeuse harmonie d’un cirque en pleine représentation, gradins garnis et écuyères variant sur des chevaux rapides des écharpes aux couleurs étincelantes ; maintenant montaient, du fond de cette arène soudainement désertée par la vie du soleil, des ondulations d’arbres et de plantes d’un effet angoissant. Un vent s’était levé, ronronnant, secouant les branches comme une bête flaireuse. On entendait couler un fleuve et des ruisseaux se précipiter vers ce fleuve.

Le bruit de l’eau est toujours sinistre, le soir.

Il y avait certainement de l’eau partout : sous les rosiers, sous les champs de légumes, dans les prairies et derrière les peupliers qui bordaient, à l’ouest, la grande propriété nationale de Flachère. Çà et là, entre ces arbres, des lumières brasillaient. De l’autre côté du fleuve, un village s’étendait, tout en long et tout blafard, comme un drap, un linceul séchant devant l’eau d’un noir d’abîme.

Le ciel mauve devint vert, par place, semblant refléter les immenses champs de betteraves au feuillage vert-bleu qui entouraient les jardins. À l’opposé du petit clocher d’étagère, la forêt,