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Page:Rachilde - Le Dessous, 1904.djvu/60

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lui ne voulait plus que végéter. Il serait une plante, moins qu’un animal, un arbre aux racines féroces qui cherchent quand même un aliment, de la sève, afin de soutenir le cœur du chêne pourtant à jamais foudroyé.

Devant la tanière de l’homme se déroulait une nappe de terre noirâtre, inculte encore, à demi noyée par les averses ou peut-être seulement baignée par cette eau qui montait en bouillonnant des entrailles de ces champs copieusement fumés. L’endroit était nu, sans un brin d’herbe, s’imbibant par place des petites mares couleur de café. Cela ne sentait pas le fumier ordinaire. Une odeur écœurante, fade, une odeur affreuse, mais rectifiée, s’exhalait de ces bouillies de nègre, la senteur morte de choses déjà tellement mortes qu’elles n’ont plus de nom en aucune langue. Et cette odeur que transmettait la pluie tout en l’atténuant possédait aussi un vague relent de jupes sales.

L’homme se dit que l’heure venait de déterrer un repas quelconque. La veille, il avait mangé de délicates petites carottes nouvelles, délicieusement sucrées, mais cela ne l’avait pas rassasié. Cependant, s’il avait faim, il manquait de courage pour la chasse, de l’excitation nécessaire qui