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Page:Rachilde - Le Dessous, 1904.djvu/84

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salon. Et jamais salon de verdure ne fut plus Louis XV, plus somptueusement champêtre, plus peint pour les amours à flèches émoussées que celui que leur choisissait la nature. Sous le bouquet des saules, un sentier coupait les foins fleuris avec une grâce de ruban glissant dans des cheveux. Un promontoire, émaillé de couleurs tendres, s’arrondissait, au-dessus de l’eau, en large fauteuil cintré couvert d’une étoffe bien pompadour, si moelleuse à l’œil lorsqu’on revenait du plein soleil. C’était les colliers de juin dans leurs écrins de velours, les mille fleurettes tombées partout en poignée de gemmes, et plus loin, le long des ronces, des arbustes, emmêlés comme des plumes vertes, se dressaient une folle éclosion d’étoiles blanches, des marguerites des prés, frêles demoiselles d’honneur de la reine du royaume de Flachère. Encore plus loin, derrière ce bout du monde, les champs reprenaient mornes, lourds des pommes de terre, des artichauts, des choux ; on retrouvait la régularité brutale du troupeau des gras légumes domestiques ; mais ce coin sauvage, bordé par le fleuve qui le séparait encore mieux du reste de la vie, s’étalait, miraculeusement fantaisiste, préservé de l’élevage au fil de fer.