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Page:Rachilde - Le Grand saigneur, 1922.djvu/219

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vois la nuit. Je n’ai pas besoin de lumière pour savoir où nous en sommes.

Michel obéit passivement, glacé par une terreur superstitieuse. Il avait peut-être eu tort de mettre sa confiance en ce personnage énigmatique aimant le rouge.

Et des réflexions bizarres l’assaillaient, malgré son caractère léger, son allure de frondeur qui croit que la plaisanterie est l’essence même de sa raison de vivre.

Pourquoi était-on parti sans Lucot ? Pour le laisser, avec le coupé, à Marie ? Gai, certainement. Mais pourquoi marchait-on, maintenant, tous les phares éteints ? Parce qu’on en avait brisé un au départ, était-ce une raison pour que l’autre s’éteignit ? Peut-être ! Et surtout, pourquoi s’arrêtait-on dans un site merveilleux qu’on ne pouvait pas contempler, puisque la lune était couchée et qu’il n’y avait pas moyen d’allumer des lanternes ?

Il pressa le bouton de la lampe électrique du plafonnier qui ne fonctionna pas.

Le moteur marchait toujours, mais au ralenti. On ne distinguait qu’une sorte de râle étouffé alternant avec celui de la rivière invisible. Vaguement, il put s’apercevoir aussi que la voiture