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Page:Rachilde - Le Grand saigneur, 1922.djvu/281

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Et de son pas souple, nonchalant, il se retira.

Dans le corridor, sorte de pont couvert qui reliait la tour aux autres bâtiments, il rencontra son médecin qui errait comme une âme en peine, s’efforçant de calmer sa fièvre à la brise nocturne dont les parfums, au contraire, l’exaspéraient.

— Que faites-vous donc là, mon cher ? demanda le marquis souriant. Il est au moins deux heures du matin ! Vous n’êtes donc pas fatigué, vous, comme tout le monde, ici, de cette course aux abîmes ?

— Non, Yves, j’étais un peu inquiet.

— Ah ! quel cœur sensible vous avez depuis quelques mois ! dette Marie Faneau, quelle enchanteresse ! Elle apprivoiserait un tigre… et même un médecin. Rassurez-vous (et il lui frappa durement sur l’épaule). Personne n’a besoin de vos services. Je suis guéri, mon cher ! (Il ajouta d’un ton confidentiel :) Entendez-vous bien ? Me voici redescendu au rang de simple mortel, Henri. Réjouissez-vous. Il y a un imbécile de plus sur la terre. Je n’ai plus besoin de voir du sang pour être heureux ! Non, en vérité, je n’ai jamais été plus heureux que cette nuit ! À demain ? J’ai laissé dormir la marquise. Qu’on ne la réveille pas trop tôt, surtout.