Aller au contenu

Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/103

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

outragée, mais bien mieux, une esclave se révoltant parce qu’elle a enfin découvert son maître en faute.

— Tu ne te donnerais pas au serviteur qui saurait défendre ton secret, méchante créature de Dieu ! balbutia le jeune homme dont les moustaches brunes se hérissaient d’une terreur superstitieuse.

C’était la seconde fois qu’elle le renvoyait à Ses chiens, dédaigneuse du don fidèle de sa personne.

— Je ne me donnerais même pas à un fils de roi[1], je hais tous les hommes, je ne veux pas faire l’amour, je veux faire la guerre, gronda la jolie bête fauve, incrustant ses ongles dans les bras du chasseur.

On entendit une espèce de bourdonnement d’insecte. La recluse se réveillait, renouait la chaîne des litanies.

— Tais-toi ! Tu vas attirer l’abbesse, souffla-t-il, les dents serrées. Tiens-tu à me faire jeter du haut de ces murailles dans les ravins de Poitiers ? Pourquoi Ragnacaire, le gardeur de porcs, a-t-il été chargé d’un message ? Oublies-tu qu’un jour Ragna

  1. Chilpéric voulait envoyer en Espagne une autre fille qu’il avait eue d’Audovère et qu’il avait placée dans le monastère de Poitiers, mais celle-ci refusa, surtout par la résistance de la bienheureuse Radegunde qui disait : « Il ne convient pas qu’une jeune fille consacrée au Christ retourne aux voluptés du siècle. » — Grégoire de Tours, Hist. eccl. des Francs, VI, xxxiv.