Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/11

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une forêt traître, remplie d’embûches, avec des yeux qui regardaient du fond.

Les chiens se jetèrent, d’un élan furieux.

Les hommes s’abattirent sur les genoux.

Et l’on entendit boire les animaux et les hommes d’un pareil lappement.

Cela dura jusqu’à ce que Ragnacaire, abandonnant la corde pour mieux se tremper le visage, fit un plongeon, n’étant plus soutenu.

Harog se redressa, éclata d’un rire jeune, puis remonta son compagnon en le saisissant aux chevilles.

— Grong ! Harong ! Fû… i ! barbota Ragnacaire. J’ai bu, A os !

— Tu as bu, Ragna ? Nous passerons le gué.

— Nous passerons le gué ?…

Ragnacaire ne comprenait pas toutes les intentions du langage de son ami Harog et lui-même, Ragna, se servait d’un idiome singulier que le berger Harog avait de la peine à traduire. Leur coutume de vivre libres, isolés parmi les bêtes qu’ils dressaient pour chasser ou garder, les faisait plus sauvages ou plus naïfs que les gens d’armes infestant le pays, lesquels parlaient vulgairement le latin concis des esclaves. Eux chantaient leurs discours et y mêlaient de fières imprécations.