Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/149

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

presque entiers moins un bras ou une jambe, tendant leur membre mutilé avec des gestes de douce résignation, mais tous rayonnaient, dans la demi-obscurité de leur sépulcre, d’une joie délicieusement paisible. Ils semblaient réunis autour de la grande bouche d’ombre du puits pour éclater en sourires, semer un peu de gaieté parmi le royaume des morts.

— Un miracle ! gémit Leubovère.

— Est-ce que notre dame Radegunde les protège ? demanda l’esclave, qui n’osait plus railler.

— Es-tu certaine, toi, Soriel, de m’avoir obéie ? demanda Leubovère se relevant.

Soriel haussa les épaules.

— Tu ne pouvais point me commander un travail plus agréable, révérende mère. Ces monstres me font peur tout autant que le jour. Je les ai jetés là, j’en jure par la Croix dont les reliques sont sur nos têtes.

— Tu n’étais accompagnée d’aucun serviteur !

— Je suis assez forte pour porter des fardeaux de pierre et je n’avais nul besoin de me confier à personne.

— Alors, c’est un miracle, en vérité ! (L’abbesse ajouta, plus par habitude que par conviction :) Loué soit Dieu ! Prions, ma fille.

— Et que maudites soient les idoles ! répliqua