Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/175

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— Pourquoi tous les porcs ? demanda Ragna, laissant tomber son pain.

— Il sera utile de nourrir nos gens, notre armée. Comprends-tu ?

La clarté du matin glissait maintenant jusqu’aux deux compagnons et faisait luire les yeux ardents de Méréra. Elle prit également le pain de Ragna, mais d’une gueule moins délicate. La grotte s’illuminait peu à peu. Un vent froid secouait le rideau des ronces de son entrée. Assis devant l’ouverture du palais de Méréra, les six chiens attendaient qu’on daignât s’occuper d’eux après le repas de la reine.

— Nous irons dans les carrefours appeler des mendiants. Il y a des serfs qui se sont révoltés ou enfuis, des maîtres plus pauvres que leurs esclaves parce que, durant les guerres de Neustrie, on a brûlé leur maison. Je connais ceux-là.

— Tu ne les a jamais vus, Harog ?

— Il n’est pas besoin de voir pour savoir, dit Harog buvant, la tête renversée.

Méréra, d’un coup de dent, saisit le chevreau.

— Chienne de Satan, s’exclama Ragnacaire. Un si fin morceau pour ton nez de fouine !

— Laisse, Ragna, laisse ! Il convient de bien manger aujourd’hui car demain chacun de nous aura