Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/180

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galopèrent à sa suite, ivres du plaisir de chasser sans permission.

Ils cheminèrent ainsi durant la longue matinée qui ne sembla pourtant commencer qu’au sortir des profondeurs du bois. Les arbres, de noirs troncs, tout humides à cause de leur sève travaillant, les regardaient passer du haut de leurs branches convulsées par le désespoir de demeurer immobiles. C’était l’armée des guerriers chevelus d’un autre âge, maintenant enracinée à la terre pour avoir voulu escalader les cieux. Quand l’ombre s’effaça l’espace d’une clairière, les deux compagnons eurent l’impression de se réveiller d’un nouveau sommeil. Ils connaissaient bien les maléfices de la forêt qui endort les mâles volontés dans ses bras verts jaloux du mouvement et des preuves de la force ! Les chiens eux-mêmes, devenus silencieux, marchaient le nez sur leur talon, troupe sévère, méfiante, ayant eu de sournoises aventures avec les épines, les couleuvres, quelque taciturne hérisson défendant l’obscurité.

Ragna se mit à japper.

— A og ! A us ! Le soleil est un ami.

— Nous avons tourné la ville, dit Harog, nous allons rencontrer la Grande Pierre du côté de son