Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/194

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langue singulier :) À la pierre ! À la pierre, fille de la lumière ! Eréra ! Eréra !…

La chienne, d’un bond énorme, fut sur le dos de la jument. S’accroupissant et s’étendant jusqu’à son encolure de neige toute blanche sur une plus blanche qu’elle, lui faisant une bosse prodigieuse, elle parut géante comme le monstre de granit à qui on la renvoyait. Bousculant ses amoureux, la jument, se sentant mordue au col, s’élança vigoureusement, traversa la prairie, franchit les barrières de buissons dans un galop effréné, les naseaux fumants et, tandis que les six chiens leur happaient les jarrets, tous les chevaux prirent le même chemin ventre à terre.

Là bas des soldats allumaient des torches aux brasiers de leur cuisine. Quand ils vinrent s’enquérir du bruit, la prairie était déserte, les voleurs avaient disparu. On trouva le gardien mort dans l’auge, rougissant les reflets de la lune de lueurs pourpres, et l’autre, tout vert dans le foin.

Cette nuit de bataille, Harog et Ragna dormirent sous la Grande Pierre entourés de leurs chevaux fourbus. Les chiens, meilleurs soldats, veillaient et les deux vainqueurs eurent un rêve étrange, un rêve pareil pour tous les deux. Ils virent, au loin, sur la route de Poitiers menant à Tours, une lon-