Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/225

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ailes des mauvais anges. À ce moment même, elles errent au milieu de toutes les embûches du siècle. Elles sont sollicitées par les tentations mondaines, quelques-unes, si tendres encore dans le mal, vont s’engager certainement dans les liens du mariage, d’autres plus hardies succomberont à l’épreuve des plaisirs défendus, elles sont toutes et pour toujours déshonorées. (Ici l’abbesse Leubovère se couvrit le front de ses grandes manches.) Que leur ai-je fait ? Où est mon crime ? Je te le demande, ô homme d’armes, ajouta-t-elle en étouffant ses pleurs ?

Ragnacaire l’écoutait, pétrifié, tourmentant le bois de sa framée. Ce qu’on lui disait ne ressemblait point à son message. Il était venu dans la ferme intention de déclarer la guerre et il trouvait la maison déserte, une religieuse vieille et malade pleurant sur des ruines ! Harog s’était-il trompé autrefois en voyant des recluses martyres au lieu et place de ces révoltées batailleuses qui brisaient les clôtures, sautaient les murailles d’une forteresse et couraient, tout voile en arrière, le long de la grand’route ? On leur préparait des défenseurs et au moment de donner l’assaut on apprenait que ces faibles victimes d’une règle trop sévère avaient elles-mêmes brisé leurs chaînes !