Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/241

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Ses yeux, virant sans cesse en boules sanglantes, pleuraient une sanie affreuse qui lui coulait le long des joues en guise de larmes. Son corps flottait sous ses anciens habits de bure écharpillés en toiles d’araignées, si troués, si usés, si limés par le contact de sa prison qu’ils en avaient pris la couleur grise, et, quand elle allongea ses pieds nus vers le brasier, ils s’aperçurent qu’à la place des ongles elle montrait des végétations huileuses qui pouvaient bien être de ces champignons noirs comme il en croît sur les racines des vielles souches. En outre, elle exhalait une affreuse odeur, un mélange de terre moisie et d’ordures humaines.

Silencieusement, derrière elle, Ragnacaire se boucha les narines.

Harog saisit l’une de ses mains en pattes d’aigle, dont les griffes se recourbaient :

— Ma mère, fit-il, avec plus de courage qu’il ne lui en avait fallu pour tuer le soldat gardien des chevaux du roi de Neustrie, nous te nourrirons et nous te défendrons, mais, au nom du Dieu de Radegunde, dis-nous ce que tu viens chercher ici ? Par quels moyens t’es-tu échappée de ta cellule ?

La loqueteuse s’agita, leur exhibant ses griffes d’oiseau de proie, serres tenaces capables d’effriter les murailles les plus résistantes. Elle y avait sans