Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/243

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maux qui demeurent sous terre, avait bien entendu Ragna s’adressant à l’abbesse et l’esclave Soriel l’empêchant de blasphémer. Un messager de Grégorius, évêque de Tours, était arrivé un autre matin porteur d’une lettre et il avait dû causer chez les serviteurs de Leubovère. Dans son ombre, la recluse se souvenait, méditait… Il existait un berger sorcier du nom d’Harog, l’ami de Ragna, l’humble gardeur de porcs. Si Ragna se vêtait maintenant d’un harnais de guerre pour demander des nouvelles de Basine c’est qu’il voulait se mêler de la révolte des nonnes, les aider à renverser l’abbesse au profit des filles d’origine royale.

Quand les deux compagnons prononçaient le nom de Leubovère, la recluse hochait la tête d’une manière féroce. On sentait sourdre la haine de ses regards de braise. Elle levait ses bras, dont on n’apercevait plus que les tendons sur les os et elle criait comme une orfraie :

— Malheur à Jérusalem ! se répandant en une foule d’accusations symboliques contre son abbesse.

Pénétrés de respect, les deux hôtes de la forêt construisirent une hutte de beaux branchages le lendemain de cette aventure qui tenait du prodige. Ils y placèrent leur fantôme avec de grands égards,