Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/346

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Chrodielde. Il sera rouge et ardent comme le sang royal de ses veines. Toi, tu ne m’aurais pas donné la tête de l’abbesse, Boson-le-Boucher me la donnera !

— Tais-toi, Chrodielde ! Est-ce que la folie de Ragna se gagnerait ? Vous avez tous la mâle rage. On peut faire la guerre sans tuer les femmes. Que signifient tes paroles. Réponds-moi ? Tu ne vas pas encore me demander des morts pour prix de tes caresses. La nuit est si douce quand tu te tais !

— Tu as fait la guerre pour Basine.

— J’ai eu tort, car vous ne valez pas l’honneur d’un homme, ni elle ni toi.

— J’attends le signal haut et rouge dans le ciel…, répéta-t-elle de sa voix râlante qui riait comme on expire, sanglot d’amour ou cri de fureur étouffés.

Harog s’était levé à son tour. Il lui retint la taille de ses bras frémissant d’une mystérieuse horreur.

— Réponds-moi donc, car je ne vois pas tes yeux. Que veulent dire ces paroles ?

— Rien, je chantais…

— Nous serions si bien à dormir là, dans le sable tiède… Jusqu’à l’aube où je te verrais briller peu à peu, toi-même plus belle que le soleil du printemps puisque tu peux conserver sous tes paupières toute l’ombre amoureuse de la nuit. Je t’en conjure, Chrodielde… ne chante plus.