Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/45

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Mais ses mamelles gonflées l’alourdissaient, elle eut un hurlement affreux auquel répondit une faible plainte sortie du creux de la poitrine d’Harog, puis elle coula.

— Ni la mère ni son petit ; une belle race perdue ! Entends les autres ! gronda Ragnacaire en avalant de l’eau.

Au loin, des aboiements de rage faisaient retentir tous les échos de la grande maison du chef. Les six chiens enfermés protestaient contre la fin inutile de leur vaillante femelle.

— C’est de la peine pour nous, mais il y a plus grande peine, Ragna !

Les bœufs sur la berge commençaient à tirer de tous leurs muscles. Le chariot monta, on vit s’agiter un peu la paille, et le long suaire de lin bourru onduler. La bête royale, elle, vivait certainement. C’était une chienne d’une race plus résistante. Ragnacaire désigna le drap d’un signe, en crachant.

Harog eut un geste de satisfaction. Le sac n’avait pas touché l’eau et sa tunique de cuir protégeait toujours le nouveau né. Il se sentait plus léger d’avoir quitté la terre du chef. Il respirait plus fort.

— Elle n’est pas morte. Il nous faut veiller à ce que nos bœufs tirent d’un pas égal, Ragna. Je vais siffler pour bercer leur ardeur.