Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/64

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Voici qu’au moment de se blottir au bas des murs, guettant une poterne, le loup fut ressaisi d’un tremblement convulsif. Les trompes de la ville se mettaient de la partie, saluant celles de la Sainte-Croix ; Saint-Hilaire et Saint-Pierre chantaient. Ce fut bientôt un joyeux tapage où la rigueur des airs se fondait. Comme des gouttes de plomb brûlant, les notes graves trouaient le glacial silence, et la laine des neiges ne pouvait plus étouffer les cris du Noël nouveau, des Noëls furieux, perçants, qui heurtaient de toutes parts l’indifférence du morne hiver. Il est né ! Il est né ! Gloire à l’enfant Dieu ! Des bruits ronflèrent derrière les murailles, des appels, des cris, des rires sonores et plus intenses, les fumées des viandes cuites se répandirent avec l’allégresse matinale.

Le loup peu à peu s’habitua. On s’habitue à tout, même aux joies religieuses, quand on a faim. Cela s’annonçait bien. On ne voyait poindre aucun soldat, aucun chasseur. La fête leur faisait oublier leurs luttes quotidiennes. On ne pillerait ni ne chasserait ce jour du Seigneur, mais les loups ne connaissent pas ces sortes de trêve et, dès que les trompes seraient muettes, il entrerait, ferait sa ronde par les ruelles basses de la ville, où il rencontrerait certainement quelques porcs fraîchement égorgés, les