Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/77

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— Avant de boire, je crois que nous ferons bien de tourner le dos, déclara le premier.

— A… og ! fit le second, grand, gros et de muscles solides. Cela sent le soldat pillard, mais on peut se battre.

Disant cela il tira son couteau de sa gaîne de cuir vernie par l’usage, une bonne lame soigneusement graissée aux rainures.

— Ragna, nous risquerions nos chiens. Ils ont vieilli depuis leur voyage. Regarde-les. Ils sont fatigués.

— On fera ton plaisir, Harog ! soupira Ragnacaire, incapable de vouloir autre chose que ce que désirait son ami.

Depuis plusieurs années, les deux compagnons, tantôt chasseurs tantôt bergers, couraient les champs et les bois avec leurs chiens, les mêmes chiens qu’ils avaient un jour conduits au prince Chilpéric, chef de la Neustrie. Si la chienne mère, la pauvre Méréra, s’était laissée couler en Marne, ses six époux étaient revenus par monts et par vaux, mangeant au hasard de leur propre chasse, flairant les traces des pas de ce berger-sorcier qui les avait enchaînés à sa triste fortune de vagabond. Traversant une moitié du royaume des Francs semé de ruines, jonché de cadavres, fuyant les bastonnades