Page:Rachilde - Le Parc du mystère, 1923.djvu/206

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Non, Rachilde, inutile de sourire. Je ne mis pas à profit, au moins à la façon dont vous l’entendez en France, cette minute de liberté.

Un coude sur la nappe, mon menton dans la main, je contemplais la dame qui parlait, parlait, insoucieusement, ne s’étant même pas aperçue de la disparition de son époux. Petite, relativement, et ramassée sur elle même, prête à bondir élastiquement n’importe où et à sauter d’un sujet à un autre, elle avait la grâce des femmes russes, une espèce de frénésie froide, contenue, qui donnait à choisir entre de la passion concentrée sur son art ou un besoin nerveux de tout autre chose. Elle jouait encore à la ville les femmes tragiques, les fortes natures, toujours maîtresses de la situation. Ma grande jeunesse devait lui paraître une proie facile qu’elle dédaignait. Je lui dis, d’un ton sage et confidentiel, que son mari pourrait bien avoir raison parce qu’en effet, le Portugal s’agitait et qu’un pays en proie aux convulsions