Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/100

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souple, gantée comme une main de jeune femme, il l’enleva du divan et le reposa sur le sol, où l’énorme animal resta un instant à trembler, le mufle bas. Paul s’assit.

— Ah ! Bravo ! s’écria le directeur subitement enthousiasmé. Pour de la poigne, c’est de la bonne poigne : Ah ! non ! ça, c’est épatant ! Hé ! Duclerc ! Duclerc ! Viens donc, mon vieux.

Le secrétaire entra.

— Monsieur ?…

— Il y a, mon cher, que Monsieur que tu vois là, tu sais, le fameux portrait de La Gandara qui fit courir toutes nos petites femmes, il a empoigné César, César pesant son poids d’homme, et il l’a levé à bras tendu… Tiens ! comme ça…

Paul serrait de plus en plus la pomme de sa canne.

— Mais, pardon, Monsieur, je ne vois pas le rapport…

— Ah ! tant pis ! interrompit le directeur joyeux. Nous autres, nous boxons, nous nous escrimons toute la journée. Tenez, dans le Bain de la Sultane, c’est Duclerc qui double le grand esclave qui porte le lion vivant au deuxième acte. Un lion vivant, ça pèse, vous savez. Même lorsqu’il est apprivoisé. Il est très fort aussi, mon secrétaire, ce charmant garçon que je vous présente. Duclerc, montre tes muscles !

Docile, Duclerc retroussa ses manches, en riant, et fit saillir des muscles répugnants de grosseur.

— Mes compliments ! dit Paul désarmé.

Les deux hommes s’assirent en face de lui, tirèrent des cigarettes et lui en offrirent. Du Bain