Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/111

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cette onde, sage comme une étoffe, un peu de la vie animale de la grande nature, et l’un d’eux, mi-dressé dans l’épanouissement d’une colossale gerbe de diamants liquides dont la fraîcheur commençait à pénétrer ses plumes, déploya la splendide envergure de ses ailes ; tout effrayé par l’intensité de cette apothéose du faux, il poussa un cri discordant, son terrible cri de réalisme.

Un applaudissement frénétique lui répondit. La salle, d’abord muette, enchantée, explosait tout à coup sous la rupture du charme. Il n’en fallait pas plus pour l’emballer et gagner la partie. Elle avait humé l’odeur des roses ; les femmes, surprises par la véhémence du parfum, trépignaient de joie, brisaient leurs éventails ; les hommes, redevenus enfants, comptaient tout haut les cygnes et cherchaient vaguement du pain dans leur poche comme au Jardin d’Acclimatation.

Ce n’était ni compliqué, ni littéraire, mais cela embaumait la poésie, celle des formes et celle des couleurs, celle des fêtes sensuelles où l’on peut s’endormir dans la sécurité naïve de tous ses appétits, Il n’était pas besoin de paroles sur cet air-là. Ce qui allait venir les laisserait désormais très indifférents. On se reposait d’avance des phrases plates sur l’heureuse harmonie du décor, et le fond bleu des toiles peintes demeurerait vraiment le ciel, même si les acteurs restaient aphones… Pourtant, il fallait que quelque chose vînt !

En attendant l’apparition prévue de la débutante, la scène était déserte, Corps sans âme, elle déroulait sa beauté physique sans plus de mystère et les