Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/139

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— Du grabuge, Monsieur le baron, bougonna le vieux domestique formulant leur impression commune en sa langue concise. Paraît que c’est la première de chez Valentine, cette Madame Angèle, la cuisinière l’a reconnue !

— Comment ! ce sont des couturières, ces femmes-là ?

— Oui, Monsieur Reutler, dit Jorgon, s’oubliant à l’appeler « Monsieur Reutler », tellement il était troublé, et cette espèce ne se dérange pas pour rien !

— Ah ! j’y suis ! Paul a eu besoin d’elles pour des étoffes ! On aurait pu les faire dîner à l’office, toujours ! Et quelle nécessité de les garder ici une journée ! Enfin, ajouta Reutler philosophiquement, nous sommes en carnaval, un peu plus, un peu moins…

Vers dix heures, il descendit, d’une humeur d’ours, très beau, le velours noir du manteau vénitien faisant ressortir la mortelle pâleur de son visage et l’élégance hautaine de sa taille. En descendant, il brisa une branche de palmier qui lui effleura le cou ; ce fut plus fort que lui. Il avait la répulsion de toutes les caresses, ce soir de corvées mondaines. Assez insoucieux de ce qu’il allait voir, sa main trembla, cependant, en écartant les portières du cabinet de toilette. Là, les paupières battantes, il demeura cloué sur le seuil par une apparition vraiment monstrueuse.

Entre les deux couturières agenouillées, des épingles aux dents, rectifiant des plis, une autre femme, très grande, d’une sinistre jeunesse, était debout dans l’apothéose des réflecteurs électri-